Je ne suis pas un anarchiste. Je ne suis rien d'autre que moi, sans étiquette d'aucune sorte, ou alors avec de très nombreuses étiquettes différentes, ce qui fait qu'aucune ne me correspond vraiment. Je suis trop punk pour être classique, trop classique pour être punk, trop anarchiste pour être capitaliste, trop capitaliste pour être anarchiste. Cela dit, le temps passant, ma réflexion évoluant, mes expériences s'accumulant, j'aurai plutôt tendance à m'éloigner du capitalisme pour me rapprocher du communisme à la Guevara, voire de l'anarchisme.

1. Pourquoi être anarchiste ? La question serait plutôt pourquoi être autre chose qu'anarchiste. En effet, jusqu'à présent, toutes les idéologies politiques traditionnelles (impérialisme et capitalisme) ont conduit la planète à sa perte, et notre capitalisme la détruit physiquement en abusant de ses ressources, comme si elles étaient illimitées, et en ne se souciant des effets sur la nature que dans la mesure où cela ne réduit pas les profits (en partant donc que prendre soin de la nature est source de réduction de profit, ce qui reste à prouver). Ou alors ces idéologies, à l'instar du communisme autoritaire, empêchent toute liberté.

2. L'anarchisme est une forme syncrétique et vivante de pensée, d'analyse, de pratiques et de luttes politiques. L'anarchie ne se limite pas à une suite historique de théories, il n'est pas obligatoire de connaître l'œuvre de Kroptokin ou d'autres auteurs ayant écrit sur le sujet pour être anarchiste.

3. L'anarchisme est un vaste système de pensée, d'analyse, de pratiques et de luttes politiques. L'anarchisme a une solide tradition de soutien aux luttes des femmes, des personnes de couleur et de tout autre groupe opprimé. L'anarchisme englobe les luttes anti-racistes et les analyses contre l'oppression, quelle qu'elle soit. L'anarchisme est la libération des peuples de toute forme de système oppressif. La lutte des peuples opprimés est toute aussi importante que la lutte contre le capitalisme, l'impérialisme, et autres systèmes et institutions oppressifs.

4. L'anarchisme se rapporte aux droits d'un individu dans le contexte d'une communauté. Une communauté ne peut être libre et saine que si elle est constituée d'individus libres et disposant pleinement de leurs droits. Chaque individu tire parti de son appartenance à une communauté. L'opposition entre « individualistes » et « collectivistes » est, en grande partie, fallacieuse, car une société anarchiste serait fondée sur un mélange entre les droits de l'individu et les responsabilités communautaires.

5. La révolution du quotidien. L'anarchie est pratique. Nous devons construire la société dans laquelle nous voulons vivre. La mise en pratique des idées anarchistes démontre la vigueur de l'anarchisme tout en créant l'espace nécessaire à l'épanouissement de ce sytème dans le système politique actuel. L'anarchie est un processus, non pas un instant magique « après la révolution sanglante ». Pour que les individus puissent faire leur l'idée d'anarchie, ils doivent la comprendre comme une alternative existant au système actuel. Un peuple se libère lorsqu'il détruit ses barrières mentales, non pas lorsqu'une bande de révolutionnaires s'empare du pouvoir du gouvernement. Bien entendu, un changement brutal des consciences peut toujours se produire.

6. L'Homme est naturellement anarchiste. La coopération, l'entraide et la solidarité sont des traits de l'Homme, sans lesquels l'espèce humaine n'existerait pas aujourd'hui. Les idées fondamentales de l'anarchisme, comme la coopération et l'égalitarisme, se retrouvent dans de nombreuses sociétés tout au long de l'histoire de notre espèce.

7. L'anarchisme est l'anarchisme et ne devrait pas souffrir de ses luttes internes. Je ne suis pas un anarcho-communiste, un anarcho-syndicaliste ou un éco-anarchiste. Trop d'anarchistes perdent leur temps et leurs ressources à promouvoir leur vision étroite de l'anarchisme. Ces étiquettes conduisent souvent au sectarisme, détruisent toute crédibilité du mouvement et l'empêchent de se développer.

8. La révolution des mentalités. L'anarchisme ne peut être mis en place que si la grande majorité de la population souhaite vivre dans une société anarchiste. Je suis contre une révolution qui forcerait l'instauration de l'archisme dans une société qui n'est pas prête à l'accueillir. Ce serait un échec certain et rapide. Je rejette également les fantasmes révolutionnaires gauchistes radicaux d'une « révolution faisant couler le sang des capitalistes et des riches ». L'anarchisme n'est pas un génocide de ses opposants. L'anarchie commence lorsque les individus détruisent leurs barrières mentales. Je suis pour l'instauration de l'anarchie par l'exemple.

9. Les anarchistes ne sont pas de gauche. L'anarchisme n'est pas un système faisant partie du traditionnel système gauche/droite. En effet, les anarchistes rejettent l'État, il est donc impossible, et incohérent, de faire partie d'un tel système politique statiste. L'anarchisme n'est pas l'extrême gauche. La gauche, systématiquement statiste, est fondamentalement incompatible avec l'anarchisme. L'anarchisme n'a rien à voir avec les gauchistes autoritaires qui souhaitent prendre le pouvoir en promettant de le faire disparaître. Aucun état saisi par les communistes au XXème siècle n'a jamais disparu. Au contraire, ces états sont devenus totalitaires et montrueux, réduisant en esclavage, terrorisant et décimant des millions de personnes. Cette expérience semble terminée, étant dévorée de l'intérieur, comme en ex-URSS, ou de l'extérieur en raison de l'hégémonie capitaliste, un rouleau compresseur broyant tout sur son passage.

10. Les anarchistes s'opposent à l'existence de tout gouvernement et État. L'Homme est parfaitement capable de diriger sa vie et de gérer la communauté à laquelle il appartient sans le support d'un gouvernement ou d'un état. Il ne s'agit pas, dans l'anarchisme, d'améliorer l'État en place ni d'envoyer des pétitions pour obtenir des changements. L'État est la source des problèmes, ce n'est pas en tentant de réparer deux ou trois de ces dysfonctionnements que les problèmes seront résolus. C'est comme administrer des antidouleurs à un patient en phase terminale. Cela ne le guérit pas de la maladie, ça lui rend seulement moins insupportable son affliction.

11. Il est de l'intérêt du mouvement anarchiste de s'unir et de travailler avec toute personne partageant globalement la même envie, la même idéologie, la même vision et de ne pas s'enfermer dans des luttes de factions. Les étiquettes et positions idéologiques rigides n'ont pas d'importance. L'important est d'être anarchiste, de se focaliser sur ce qui nous rassemble plutôt que sur ce qui nous divise, et de ne pas rejetter nos différences mais de s'en nourrir pour progresser. Ne pas laisser les dissensions, les désaccords et les conflits nous éloigner de l'objectif réel et large qu'est l'instauration d'un système anarchiste, égalitaire, anti-patriarcal et auto-géré, pour le bonheur de chacun des individus et de la communauté toute entière.

D'autres réflexions viendront préciser ma vision sur le sujet, j'ai voulu ici aborder l'anarchisme dans son ensemble et ma vision globale de ce système.

Fushichô

3 novembre 2007