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J’ai été confronté aujourd’hui au politiquement correct et à la censure. Enfin, pas exactement, mais pour moi ça revenait à ça, ça relève du même problème. Et comme il s'agit d'un thème que j'avais prévu d'aborder un jour, je saisi l'occasion pour le faire.


Ce soir, une amie m’appelle, on se donne de nos nouvelles, on discute, et elle vient à me dire qu’elle s’est engueulée avec un proche qui avait mis sur son blog, sans lui demander sa permission, une vidéo de leurs vacances à l’étranger. Elle était outrée, m’a parlé de droit à l’image, de manque total de respect, de manque de bon sens, de manque d’éducation. [EDIT: ce ne sont pas ces principes que je conteste de manière générale, je trouve seulement excessive leur invocation dans ce cas précis.] J’ai pas pu la réconforter, parce que sur ce coup-là, j’ai pas compris, j’aurai fait la même chose que mon pote, à savoir publier sans demander son avis.

J’ai pas compris, car pour moi cette vidéo ne la montrait pas sous un mauvais jour (à part qu’elle se mouche les 5 premières minutes du film, ce qui m'a amusé), dans une situation gênante ou potentiellement humiliante, de plus, l’essentiel des gens qui vont sur ce blog sont des proches, et pour regarder une vidéo de vacances de 20 minutes, il faut vraiment être un proche des protagonistes :)


Du coup, elle était encore plus énervée après avoir discuté avec moi, parce qu'on était 2 contre elle. J’ai même eu droit au « apparemment c'est un truc de mecs, donc on va pas se comprendre ». Ben je sais pas si c’est une réaction typiquement masculine de pas voir où est le mal dans la diffusion sans la permission des protagonistes d’une vidéo de vacances banale, mais le bloggeur et moi, on comprend pas plus l’un que l’autre pourquoi il aurait fallu lui demander son avis.


Elle m’a demandé comment je réagirai si c’était de moi qu’il s’agissait. Ben je verrais pas plus le problème. Et je me suis rappelé que lorsque j’étais en Australie, une de mes amies avait récupéré des photos de moi que j’avais envoyées et d’autres récupérées sur le blog de ma colocatrice en Australie pour en faire un album sur son blog sur mes vacances. Sans me demander mon avis. Et j’ai trouvé ça sympa, ça m’a fait même très plaisir. Une sorte d’hommage, quoi !


Elle m’a parlé de « liberté des uns qui s’arrête là où commence celle des autres », de respect, mais pour moi, à réagir ainsi, on en arrive vite au politiquement correct et à la censure. Et c'est là où je vais généraliser mon propos. Car on ne place pas tous le manque de respect au même niveau, comme le prouve ma petite histoire. Mon pote et moi, on le place pas au même niveau que cette amie. Du coup, si personne estime la distance entre la liberté de l’un et de l’autre de la même manière, alors on peut plus rien dire et plus rien faire, par peur d’empiéter sur le terrain de l’autre. Genre « ah bah je croyais que ta liberté commençait à dix mètres à partir du pommier, et toi t’as compté à partir de la haie, du coup je suis allé trop loin, mais comment je pouvais deviner que pour toi, c’est la haie qui comptait, et pas le pommier ??? Ya un moment, faudrait qu’on se mette d’accord sur une limite fixe, sinon on a pas fini de pas se comprendre et de faire des gaffes… »


Je ne remets aucunement en cause le fait que ça la gêne, pour je ne sais quelles raisons mais l’essentiel c’est que celles-ci soient légitimes à ses yeux, que son image soit diffusée, même sur un blog à audience restreinte, qu’elle n’apprécie pas qu’il ne lui ai pas demandé son autorisation, et qu’elle souhaite que cette vidéo soit retirée (elle a été retirée, mais je ne sais pas s’il l’a retirée de son propre chef ou si elle le lui a demandé). Et c’est par respect pour elle que je me censure en n'étant pas plus précis dans le récit de cette histoire en ne donnant aucun nom, ni d’elle, ni de mon pote, ni du lieu des vacances (je préciserai juste qu'il ne s'agit pas de Sarko, Carla et l'Égypte).

Mais je trouve, en généralisant, que c’est typique d’un problème plus large, celui que je souhaitais aborder depuis un petit moment : on ne peut plus rien faire ni rien dire dans notre société soi-disant démocratique, soi-disant ouverte, par peur de choquer quelqu’un.

Le problème, c’est qu'à mon sens, c'est un cercle vicieux.

Il est bien normal de ne pas vouloir blesser les gens, surtout ses proches. Mais à force d’avoir peur de leurs réactions, cela augmente leur seuil de sensibilité, si bien qu’on ne peut plus rien leur dire, plus leur faire la moindre remarque sans qu’ils s’emportent, se vexent, se sentent agressés, profondément remis en cause, trahis ou que sais-je. On ne sait plus de nos jours accepter la critique. Je le sais, j’ai très longtemps été comme ça, la moindre critique et c’était une remise en cause de tout mon être, ce qui est insupportable.

J’estime que si on dit à une personne : tu as fait une erreur, tu ne devrais pas faire telle chose, je trouve ton comportement égoïste, je trouve que c’est un manque d’éducation, etc. ces remarques ne doivent pas entraîner la remise en cause de l’être en entier, juste de la partie en question, dans la situation donnée.


Dans mon histoire, mon amie m’a dit que c’était un manque d’éducation. Aurai-je dû l’insulter parce qu’elle remettait en cause la façon dont mes parents m’ont éduqué ? Et me dire par la même occasion que s’ils ont raté mon éducation sur ce point, ils l’ont donc forcément ratée partout ailleurs, et que je suis donc une grosse merde et que donc elle me traite de grosse merde ? Comment une amie ose-t-elle me traiter de grosse merde et traiter mes parents d’incompétents ?

En ce qui concerne l’éducation de mes parents, pour moi, cela n’a rien à voir ici. Comment mes parents auraient-ils pu m’éduquer à penser à demander l’avis des gens dont je diffuse l’image sur un blog alors qu’à l’heure actuelle, je suis sûr que mon père ne sait même pas ce qu'est un blog ? Ils n’ont jamais pensé à m’éduquer sur le droit à l’image, puisque c’est un problème extrêmement récent, qui s'est développé avec les médias, et surtout avec Internet.

Et j’ai suffisamment confiance en moi pour ne pas faire de raccourci et me dire qu’une critique, que le fait qu’elle juge que c’était un manque de respect, est une critique de la totalité de ma personne, mais que c’est seulement la critique d’un point, et qu’elle ne pense pas que je suis une grosse merde (même si l'énervement à la fin de notre conversation lui a peut-être fait penser !).


J’ai également appris ces dernières années qu’une critique en dit autant, si ce n’est plus, sur la personne qui formule la critique que sur la personne critiquée ; c’est d’ailleurs sans doute ce qui me permet de les accepter relativement facilement. Et cela ne m'empêche pas de me remettre en cause et de voir si la critique est justifiée ou si elle relève d’une erreur d’interprétation, et comment prendre en compte cette critique pour au pire ne pas recommencer, au mieux m’améliorer.

« La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres » ? Oui, mais interprétée à l’excès, cela ne permet plus de formuler aucune critique, cela ne permet plus de dire ou de faire quoi que ce soit. Car quel que soit mon propos, quel que soit mon geste, la probabilité de choquer quelqu’un est extrêmement forte avec plus de 6 milliards d’individus sur terre ! Et je refuse d’être muselé par peur de la réaction de cette personne. Cette personne doit aussi apprendre à recevoir la critique, à être contredite. Ce qui ne veut pas dire que j’ai raison et elle tort, mais qu’elle doit apprendre que d’autres gens puissent penser différemment d’elle sans que pour autant cela remette en cause quoi que ce soit en elle, chez elle.


Abordons brièvement le racisme. Oui, le racisme, c’est mal. Mais comment peut-il disparaître aux Etats-Unis alors qu’on ne dit pas Black (Noir), mais African-American (Afro-américain) ? Je trouve cette dénomination pire. Noir, c’est pas une honte, c’est pas une critique, c’est un fait, les africains ont la peau noire, et c’est aussi pratique de désigner quelqu'un par sa couleur de peau, que par sa couleur de cheveux, sa taille ou sa corpulence quand on pointe du doigt une personne dans un groupe. C’est une simple caractéristique distinctive. Mais afro-américain, je trouve ça discriminatoire. Le bon côté, c’est que cela met en évidence les racines de l’individu, son passé, l’histoire de sa famille. Le gros problème, c’est que même au bout de 25 générations d’une même famille, on parlera d’afro-américains, et pas d’américains ; ainsi, même après 25 générations, on ne donne pas à 100 % la nationalité américaine, on continue à effectuer une ségrégation.


Je trouve qu’on va parfois chercher trop loin des connotations aux mots, ou peut-être qu’à l’inverse, on les charge de trop de connotations, qu’ils offensent trop vite, alors qu’on devrait prendre plutôt du recul. En français, on a le mot nain pour désigner les personnes de petite taille, atteintes de nanisme, une maladie génétique, donc ben ya pas à tortiller du cul pour chier droit, appelons-les des nains ! Est-ce qu'avec le changement d'appelation, leur quotidien s'améliore? Deviennent-ils plus grands? Est-ce que les gens cessent de se moquer d'eux? Bien sûr que non! Un type qui fait 200 kg, ben c’est un gros, c’est tout. Qu’il ait des problèmes génétiques, biologiques ou juste qu’il s’éclate à s’envoyer 30 hamburgers bien gras par jour, c’est pas la question, il est gros, c’est un fait. Appelons un nain un nain, un chat un chat, et une chatte une chatte, bordel de dieu !

Ceci me fait penser à l’article de mon blog sur les 3 personnes qui avaient porté plainte, car elles étaient traitées d’homosexuelles dans un article de Wikipédia. Ben je suis désolé, homosexuel n’est pas une insulte, c’est un terme qui définit une tendance sexuelle. Ce n’est pas plus une insulte qu’hétérosexuel. Donc pas de quoi s’offusquer. Je suis pour le retour aux bases, le débroussaillage des mots de leurs connotations afin de retrouver le sens originel, qui est souvent bien moins blessant que les connotations y afférentes.


Et que l’on n’oublie jamais que l’insulte, la critique, du moins la critique peu ou pas justifiée, mais aussi, dans une certaine mesure, la critique légitime, en dit au moins autant sur celui qui la formule que sur celui qui est critiqué. Pourquoi ? Parce que dans l’immense majorité des cas, une personne qui insulte ou émet une critique le fait en réaction à un mot, une parole, un geste, un événement qui rentre en conflit avec un élément de sa personnalité, de son identité, de sa façon de penser. Sa personnalité se confond alors avec l'élément touché, et la personne réagit et se défend, que ce soit par la violence, physique ou verbale, ou bien par la critique, la discussion, l’explication, la justification.

Une personne qui en traite une autre de pédé dévoile son intolérance et ce qu’elle pense de ce qui n’est qu’une simple tendance sexuelle. Cela indique que la personne estime que l’homme est sur terre pour se reproduire et qu’un comportement sexuel qui ne permet pas et/ou ne vise pas à la reproduction est une perversion et/ou une maladie. Ces personnes oublient qu’elles ont elles-mêmes des rapports avec leur conjointe pas seulement pour agrandir la famille ! C’est oublier également que l’homosexualité se retrouve chez l’homme depuis des siècles, et chez de très nombreuses espèces animales. De plus, l’être humain se caractérisant par le sentiment d’amour, la « théorie reproductrice » n’est pas du tout pertinente pour prouver que l’homosexualité est une perversion et/ou une maladie. Dans certains cas, traiter d’homosexuel peut dévoiler une homosexualité refoulée. Mais cette insulte, que va-t-elle dire de l’insulté ? Ben simplement qu’il aime les personnes du même sexe. À part ça, pas grand chose... S'il réagit de manière virulente, cela montrera qu'il en a marre qu'on lui rabâche ça tous les jours et que ce soit la seule caractéristique de sa personnalité qui revienne sur le tapis et qu’on lui jette à la figure, ou que lui-même n’accepte pas encore son homosexualité. Quoi qu’il en soit, l’action d’insulte et la réaction face à l’insulte en disent beaucoup plus long que l’insulte même.

Et donc si l’insulte ou la critique est mal vécue, c’est qu’il y a un travail à faire sur soi pour comprendre pourquoi on la vit si mal, et un travail également à faire sur la personne critiquant ou insultant afin de comprendre pourquoi elle l’a fait.

Pour que la remise en cause de soi soit efficace, elle doit être honnête ; d’autre part c’est une technique qui requiert habitude, notamment au niveau de la prise de recul, et connaissance de soi et de certains mécanismes psychologiques. Et comment avoir l’habitude de s’examiner honnêtement si le monde entier vous épargne toute critique, toute insulte, et évite de vous confronter à tout ce que vous pourriez prendre comme une critique ou une insulte ?

Oui, les juifs ont subi un terrible génocide pendant la deuxième guerre mondiale. Oui une telle chose doit rester dans les esprits pour ne pas se reproduire. Mais si les israéliens viennent à se conduire comme des cons, doit-on passer outre, en raison de leur récent passé ? Doit-on tout leur pardonner, comme pour se faire pardonner de ce qu’ils ont vécu il y a un peu plus de 60 ans ? Et va-t-on encore longtemps être mielleux à ne pas oser vexer la Chine qui n’a toujours pas compris ce qu’étaient les droits de l’homme et qui génocide les tibétains, tout ça en raison des centaines de milliards de dollars que le marché chinois représente ? Faut rien leur dire, les nazis ont tenté de les exterminer ya 60 ans ; faut rien leur dire, ils vont nous rapporter des milliards. Ben non, ça suffit, s’ils merdent, il faut leur dire, que ça leur plaise ou qu’ils, afin qu’ils aillent de l’avant et prennent leurs responsabilités !

Autant il est simple de croiser un arabe dans la rue et de ne pas le traiter de « sale bougnoule » ou de ne pas dire à un collègue «t'es qu'un gros con » (critique ou insulte directe), autant épurer (pour éviter de confronter les gens à ce qui pourrait être perçu comme une critique ou une insulte) tout discours, tout mot, toute tradition de ce qui pourrait choquer un groupe ethnique ou identitaire, ou des personnes d’une certaine confession (critique ou insulte indirecte), est ridicule et conduit à des excès qui seraient risibles s’ils n’étaient pas réels (voir mon blog sur l’histoire du Oh, oh, oh du Père Noël remplacé par un Ha, ha, ha, qui risque moins de faire peur aux enfants…). Noël est une fête chrétienne, il est stupide de vouloir effacer les marques de cette appartenance ! Demanderait-on aux juifs d'effacer toute trace de leur religion dans la célébration de Hanoukka, ou aux musulmans toute trace d’islam dans l’Aïd (je prendrais bien d’autres exemples, mais mes connaissances des fêtes juives et musulmanes sont limitées) ? Bien sûr que non, et heureusement! Alors si un individu, chez lui, ne veut pas faire de crèche à côté du sapin, oublier qu’à l’origine Noël est la célébration de la naissance du Christ, et que les cadeaux reflètent ceux apportés par les rois mages à Jésus, mais qu’il veut faire de Noël une fête familiale au cours de laquelle il s’empiffre de nourriture hors de prix à en être malade et au cours de laquelle il prouve son amour aux membres de sa famille à coup de cadeaux au prix exorbitant, grand bien lui fasse, mais qu’il ne l’impose pas aux autres, car après tout, c’est lui qui détourne la signification de Noël. Quoique, c’est déjà ce que Noël est devenu, donc c’est peut-être pas le meilleur exemple… Quoi, ça se voit que j’aime pas Noël ???


Si l’éducation doit apprendre une chose, c’est à prendre du recul, à avoir une confiance en soi suffisante pour ne pas tout prendre systématiquement au premier degré, afin qu’on puisse rire de tout avec tout le monde, et non plus, comme le disait Desproges « de tout mais pas avec n’importe qui », et pour accueillir de manière constructive les critiques, les reproches, les insultes, et tout ce qui pourrait faire bondir notre égo. Le politiquement correct ne permet pas de vivre suffisamment d’expériences pour s’entraîner à recevoir des critiques et à être « contredit » ; les choses, même désagréables, doivent pouvoir être dites, dans le respect toutefois de l’individu, équilibre il est vrai parfois dur à trouver. Il est souvent bien plus facile d’éviter de prononcer un mot qui pourrait éventuellement blesser une âme ultra-sensible que de dire avec sensibilité une vérité dure à entendre. Et pourtant, c’est bien cette voie d’honnêteté respectueuse, la plus difficile, qui est la plus utile et devrait être suivie, et non pas la voie du politiquement correct et de l'évitement, la voie de la facilité.

Vous comprenez donc que je ne vois pas pourquoi mon pote aurait dû demander son avis à mon amie pour diffuser une vidéo banale sur son blog ! Pour moi, c’est du politiquement correct, et je déteste ça !

Et question sans réponse : aurai-je viré la vidéo après notre discussion, spontanément ou si elle me l’avait demandé ? Qu’aurai-je choisi entre le respect de mon « combat » contre la censure et le politiquement correct, et le respect de mon amie ? Je trouverai la réponse à ces questions quand je serai confronté à ça.

 

Fushichô

27 décembre 2007

 

 

Le politiquement correct
 
© 2010 Fushichô