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J’ai lu ce matin un article sur le site Web du Monde (http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-997342,0.html) suite à l’adoption des centres de rétention de sûreté pour les criminels jugés dangereux après avoir purgé leur peine. Le texte de loi visait à l’origine les pédophiles puis son champ d’action a été élargi au dernier moment pour concerner les autres criminels condamnés à plus de 15 ans et jugés dangereux en fin de peine.

 

Donc déjà, comme le souligne dans l’article le professeur Pierre Lamothe, psychiatre, c’est con puisqu’il faut déjà avoir été un criminel dangereux au départ, et ceux plus « inoffensifs » qui n’ont écopé que de 10 ans et que le système pénitentiaire n’a pas calmé ne sont pas concernés. Donc il y a toute une catégorie « à problème » non prise en compte, il y aura donc toujours des meurtres et des récidives qui défrayeront la chronique, le problème ne sera donc pas réglé. Peut-être diminuera-t-il, mais il sera toujours existant.

 

En outre, la solution d’enfermement n’a jamais fait ses preuves pour résoudre les problèmes des criminels, surtout vu les conditions de détention et de réinsertion. Après 15 ans de taule, même si on sort assagi, il faut pouvoir se réinsérer, et c'est pas gagné vu la méfiance des gens à l'encontre des ex-taulards. Va trouver un patron prêt à embaucher un gars qui a fait 15 ans pour avoir tué sa mère ? Du coup, sans boulot, à part la délinquance, donc la récidive, les perspectives sont maigres.

 

Et puis, écarter le criminel dangereux risque d’inciter à augmenter le nombre de personnes correspondant à cette étiquette ; la dangerosité est un terme bien vague. Et cela risque de conduire à un enfermement par précaution à perpétuité au lieu des 15 ans initiaux, un prolongement de la peine, donc. La société ne considère donc jamais qu’un criminel a payé sa dette. Comme le dit le professeur Lamothe, « plus on les stigmatise, plus on les pousse à s’exclure eux-mêmes et à ne pas évoluer ». Donc le délinquant sexuel jugé dangereux à sa sortie sera toujours aussi dangereux après plusieurs années en rétention de sûreté.

 

Je pense qu’il faut développer la réinsertion, dès l’entrée en prison et pendant de nombreux mois, voire années, quel que soit le temps nécessaire selon les personnes, après la sortie de prison si on veut vraiment réduire la récidive, notamment des délinquants sexuels. Seuls l’accompagnement, pendant et après la peine, et l’insertion dans la société peuvent réduire la récidive. Commençons déjà par utiliser correctement les structures existantes pour s’occuper correctement des délinquants sexuels dangereux après leur peine. Donnons suffisamment de moyens aux hôpitaux psychiatriques pour prendre en charge ces cas. Car jouons les capitalistes : qui va payer, combien cela va-t-il coûter ? Ne serait-il pas plus judicieux de les placer en institutions spécialisées déjà existantes qui seraient sans doute plus efficaces si les pouvoirs publics leur donnaient les moyens financiers et humains dont elles ont besoin ?

 

Je ne pense pas que la prison leur apprenne à maîtriser leurs pulsions sexuelles, et c’est, je crois, ce qu’il faut pourtant faire pour qu’ils ne récidivent pas.

Parfois je me dis que la pédophilie, c’est une pulsion sexuelle comme une autre, incontrôlable, du moins pas plus contrôlable que l’attirance pour les personnes du même sexe ou du sexe opposé. Cette vision est peut-être erronée, en tout cas je me pose la question. D’ailleurs, si je me la pose, il est probable que des professionnels aient déjà fait des études et aient une réponse à m’apporter pour confirmer ou infirmer mon impression. De ce fait, c’est peut-être pas la pédophilie en tant que telle qu’il faut traiter, mais apprendre au patient à dominer ses pulsions. On a tous des pulsions, meurtrières ou sexuelles, mais on sait se contrôler. Le pédophile, non. Donc il faut lui apprendre à contrôler ses pulsions. Mais peut-être que la pédophilie est due à un trauma dans l’enfance. Si c’est le cas, là aussi il faut apprendre à écouter le pédophile, connaître son histoire, remonter dans son enfance, et lui apprendre à prendre possession de son histoire, à la comprendre, et à dépasser ses traumatismes. Ce n’est pas en l’enfermant indéfiniment qu’on va résoudre quoi que ce soit.

 

Mais de toute façon, quelle autre solution qu’un enfermement pouvait-on attendre d'un gouvernement sécuritaire pour qui la seule solution est d’isoler ceux qui ne rentrent pas dans le moule et qui sont une « menace » à l’ordre qu’il prône ?

Je ne dis pas de ne pas enfermer un gars qui viole un enfant de 5 ans, il commet un acte défini par la loi comme crime, il paye, c’est normal. Mais cela ne résout aucun problème, ni au niveau de l’individu, ni pour la société.

Je vous invite également à lire les réactions des lecteurs, assez affligeantes pour la plupart. En tout cas, celles de personnes qui ne sont soumises qu’à l’émotion du crime, qui confondent justice et vengeance, pour qui l’enfermement, voire la peine de mort, est la solution ultime à tout problème, qui simplifient à outrance le phénomène de la délinquance sexuelle, qui n’ont pas la moindre idée de la complexité de la psyché humaine et qui refusent de voir que le délinquant sexuel, avant d’être délinquant sexuel, est un être humain exactement comme eux, comme vous, comme moi.

Etrange également le fait que de manière générale, on croit tout ce qu’une personne nous dit si on la juge expert (d’où l’intérêt d’interroger dans cet article un psychiatre), car cette personne est censée connaître son domaine, et donc représenter la vérité. On parle de santé mentale, on va interroger un psychiatre, il va nous donner la vérité. De même le fameux : « vu à la TV » qui a le don de m'énerver, comme si ce qui passait à la télé était vrai. Si seulement ! La télé n’est pas le vecteur de la vérité, c’est simplement un moyen de faire parvenir au plus grand nombre une information subjective et souvent non réelle (même dans le JT). Bref, étrange cette crédulité générale, sauf quand ça nous arrange pas, que ça va à l’encontre de nos croyances ! Le professeur Lamothe, psychiatre, que Le Monde à promu au rang d’expert en l’interrogeant ici, et il est certain que son savoir pratique et théorique est bien supérieur à la plupart de la population, moi le premier, devient un « expert », entre guillemets, si ces propos ne plaisent pas… Est-ce que seules les personnes avec lesquelles on est d'accord méritent le titre d'expert ?

 

 

 

Fushichô

 

10 janvier 2008

 

 

 

Rétention de sûreté
 
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