Accueil
Réflexions
Textes
Multimédia
Blog
À propos de moi
Liens
Contact

Je ne sais pas s’il s’agit là d’un trait de notre société occidentale, je ne voudrai pas généraliser, et de toute façon je manque d’informations et de connaissances pour inclure ou exclure d'autres sociétés dans mes propos. Toutefois, j'ai constaté autour de moi un certain phénomène : de nombreuses personnes dépriment, car elles estiment que leur vie n’a pas de sens ; et il m’arrive de me retrouver dans ce cas-là. À quoi bon continuer, puisque je ne sers à rien, ce que je fais n’a, au mieux, qu’une infime incidence, surtout à l’échelle universelle, c’est déjà moins vrai pour mes proches. Néanmoins, ils ont vécu heureux avant moi, ils vivront heureux après moi.
Ainsi, on assimile le sens à l’espoir, à la joie, au bonheur (je suis heureux, ma vie n’est pas vaine). À l’inverse, l’absence de sens est source d’angoisse, de déprime, voire de profonde dépression.

Il me semble que cette façon de voir les choses est complètement erronée, et qu’à l’existence de sens est liée l’angoisse et à l’absence de sens, la joie et le bonheur.

Si la vie a un sens, dans le sens pratique du terme, elle peut alors le perdre à tout moment. Je donne à ma vie un sens en fondant un foyer, par exemple, mais le jour où pour cause de divorce, d’accident ou autre ce foyer vient à disparaître, alors mon monde s’effondre et ma vie perd son sens. Voici une source d’angoisse considérable ! On passe un temps fou à essayer de donner un sens à sa vie, on angoisse de pas y arriver, et après, on angoisse de tout perdre, ce qui finira de toute façon par arriver.

Une vie qui n’a pas de sens « pratique » présente alors l’avantage d’éviter de s’angoisser à trouver le sens de sa vie, et d’éviter d’angoisser à l’idée de le perdre. Et une vie qui n’est pas passée à en chercher le sens est une vie plus dans le présent, donc plus dans le bonheur.

Si la vie a un sens, dans le sens religieux ou scientifique du terme (c’est-à-dire : Pourquoi la vie existe-t-elle ? Que faisons-nous sur terre ?), alors il ne peut naître de cela que la guerre et le désordre, car, et l’Histoire le prouve, tous les hommes n’ont pas la même interprétation du sens, il existe de très nombreux cultes et religieux différents qui s’affrontent depuis la nuit des temps. J’inclus la science dans les religions, puisqu’elle donne une explication de la vie, ou du moins cherche-t-elle également à en déterminer l'origine.

Si la vie n’a pas de sens « métaphysique », si l’on accepte que l’homme est le fruit d’un hasard, certes infiniment complexe, mais d’un hasard, qu’il n’y a rien avant notre naissance, rien après notre mort, juste le temps de notre vie, alors on se trouve débarrassé de nombreuses angoisses existentielles, parmi le plus douloureuses, et il ne nous reste plus qu’à profiter de la vie et de ce toutes les possibilités de joie, de bonheur et de rencontres (humaines, littéraires, musicales ou autres) qu’elle offre.
Certains croyants rétorquent que si la vie n’a pas de sens, si Dieu n’existe pas, alors la vie n’a aucun intérêt, et qu’ils ne s’évertueraient pas à bien se conduire dans la vie de tous les jours. Le croyant n’est donc qu’un homme bon et vertueux par peur de la sanction de Dieu contre lui ? C’est bien triste. Que fait-il de son bon sens ? N’est-il pas préférable d’aider son prochain que de le tuer ? Il est plus agréable de vivre dans la paix que dans la guerre, me semble-t-il ! De plus, pour la survie de l’espèce, il est préférable de s’entre-aider plutôt que de s’entre-tuer. Cette vision darwinienne montre qu'il n’est pas seulement dans notre intérêt d’être bon avec notre prochain (notre vie est plus agréable si plus généreuse), mais aussi dans l’intérêt de l’espèce humaine. Malheureusement on détruit notre planète pour la joie du profit immédiat, mais c’est un autre sujet.

Entre une vie qui est pleine de sens mais pleine d’angoisse et une vie vide de sens mais vide d’angoisse, il me semble facile de choisir. Étrangement, spontanément, c’est la première voie que l’on suit. Peu de gens renoncent à l’idée que la vie a un sens. À force de vouloir tout expliquer ou interpréter, notre esprit n’est plus du tout à l’aise avec l’absence de sens et préfère rester en territoire connu quitte à en subir les désagréments.

La grande erreur que l’on commet souvent, c’est de croire que si l’on ôte le sens à la vie, alors on ôte l’espoir, l’envie de vivre, le bonheur. C’est sans doute cela qui fait peur, et qui pousse à suivre la première voie. En outre, la première voie offre une multitude de réponses qui permet à chacun de trouver la réponse qui lui plaît ; même de s’apercevoir que la vie n’a pas de sens.

En règle générale, nous pensons que si notre vie a du sens, elle sera heureuse. Il s’agirait là des deux facettes de la vie. Sens + Bonheur = Vie.

Je pense que cette équation est fausse.

Le bonheur est un état du présent. Le bonheur d’il y a trois semaine n’est déjà plus du bonheur, celui de demain, n’en est encore pas. J'étais peut-être heureux avant, je le serai peut-être à nouveau dans le futur, mais le vrai bonheur, c'est celui dont on jouit dans l'instant présent. Être heureux, c’est être capable d’accueillir le présent.
Le passé renferme son lot de déceptions, de tristesses, de remords et de regrets, l'avenir est essentiellement source d’angoisse étant donné que l’on ne sait pas ce qu’il va nous arriver. Il ne reste donc de la place pour le bonheur que dans l’instant présent, faisant fi du passé et de l’avenir.

Le sens, quant à lui, suppose un travail construit qui commence dans le passé, se poursuit dans le présent et s’achève dans l’avenir. Dans la construction du sens, ce sont les deux pôles extrêmes, le passé et l’avenir, qui sont les plus importants. Sans doute même l'avenir est-il le plus important, car en réalité, le plus important dans le sens, dans la réalisation, dans la construction, c’est le résultat final. Ceci nous rend donc indisponible pour le présent, puisque notre regard est tourné bers l'avenir.

Contrairement à ce que l’on nous affirme dans les médias, dans toutes les strates de la société, une vie pleine de sens n’est pas forcément heureuse. Nous avons tous en tête de nombreux exemples de vies pleines de sens, pleines de réalisations, les manuels d’Histoire en regorgent. Mais ces vies-ci sont-elles des exemples de vie heureuse ? Avons-nous vraiment des exemples de vie dont le moteur était le bonheur ? Ces modèles sont oubliés, ils ont vécu dans leur présent, et n’avaient de fait pas de place dans l’avenir.

Et pourtant, même en sachant tout ceci, il est difficile de mettre en œuvre et de vivre au quotidien l’absence de sens, conditionné que l’on est à en chercher un et à devoir construire.

Et si au fond, la vie était simplement la vie, et rien d'autre, s'inventant perpétuellement à chaque instant présent ? La vie ne serait-elle pas moins pesante en se libérant du poids du sens ?

 

Fushichô

7 janvier 2008

 

 

Le sens de la vie
 
© 2010 Fushichô