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Épicure, qui était végétalien et ne se nourrissait que des légumes de son jardin, est né en 341 avant J.C. dans l'île de Samos où il reçut d'abord l'enseignement du platonicien Pamphyle, puis, à Théos, celui d'un disciple du matérialiste Démocrite, Nausiphane.
Une fois dégagé de ses obligations militaires, il suivit à Athènes les leçons de Xénocrate qui dirigeait, depuis la mort de Platon, l'Académie. Après des voyages à Colophon, Mytilène et Lampsaque, il revint à Athènes où il fonda, en 306, sa propre école, Le Jardin. Ses cours consistaient en conversations amicales avec ses élèves et disciples, au rang desquels se trouvaient des personnages célèbres (Mithrès et Idoménée par exemple), tout comme des esclaves, des femmes, et même des hétaïres. A la différence de l'Académie de Platon, qui s'adressait à une élite capable de former les futurs gouvernants d'un État idéal, et du Lycée d'Aristote, qui était devenu un centre de recherche et d'érudition, le Jardin d'Épicure visait avant tout à atteindre la Sagesse, à « vivre en accord avec la nature », et cela à l'écart de toute vie publique et de la politique, de la cité grecque dont les fondements étaient alors en crise.
Jusqu'à sa mort, en 270, il enseigna sa philosophie atomiste et sensualiste, que nous pouvons diviser, d'après ce que nous dit Diogène Laërce au livre X de ses « Vies et Sentences des philosophes illustres », en « canonique », qui permet de fonder la science, de distinguer le vrai du faux, en physique, qui traite de la nature des choses, toutes deux ayant pour fin de préparer l'éthique, qui réfléchit sur ce qu'il faut faire pour mener une vie heureuse, c'est-à-dire pour atteindre la Sagesse.

 

J’aime beaucoup la lettre d’Épicure à Mécénée et la philosophie qui s'en dégage. Elle traite des dieux, de la mort, des plaisirs, des douleurs, et ultimement, du bonheur. Il suffit de la lire pour que l’acception commun de l’épicurisme soit réfutée : non, être épicurien ne signifie pas vivre dans la jouissance de chaque instant en s’adonnant à tous les plaisirs avec excès. Ce n'est pas la philosophie du « mange, bois, baise tant que t’es vivant jusqu’à en crever ». C’est plus proche du « Carpe Diem », lui aussi très mal interprété d’ailleurs (il suffit de lire Horace pour comprendre qu’il ne s’agit pas de se gaver car il n’y aura peut-être pas de lendemain ; tapez l’expression sur Wikipedia, l’explication est excellente, il s’agit de savourer l’instant présent, non pas de profiter, exploiter chaque journée en la remplissant de tous les plaisirs de la chaire et de la bonne chère). Elle est également proche de la philosophie bouddhiste dans son approche du bonheur, des plaisirs, de l’état ultime du bonheur (ataraxie chez Épicure, Nirvana chez Bouddha – les deux étant un état paisible caractérise par l’absence de troubles).

 

Dans cette lettre, Épicure commence par s’attaquer à la religion. Il ne nie pas l’existence des dieux, il déclare qu’ils ne sont pas à craindre. Dans d’autres textes, Épicure précise que ceux-ci vivent dans des intermondes et qu’ils ne se soucient donc pas des affaires des hommes, contrairement à ce que disent les traditions et les religions. Les hommes ne doivent donc pas redouter de leur part colère, vengeance, châtiment, miracle ou faveur. Ils ne doivent être vénérés, fêtés, priés qu'en tant que modèle à suivre (on rappelle qu’un dieu est par définition parfait) à condition de s’être débarrassé de toute superstition à leur égard. En cela la philosophie d’Épicure se rapproche également du bouddhisme puisque le Bouddha est un être humain libéré de toute douleur (ataraxie/Nirvana) qui explique comment faire pour que chacun puisse aussi arriver à cet état. Ce n’est pas un dieu, s’il est vénéré, c’est en tant que modèle uniquement, comme d’autres ont choisi Zidane, dieu du ballon rond comme modèle. Ainsi, on se retrouve avec une philosophie plutôt qu’une religion.
Si toutes les religions du monde commençaient par concevoir leur dieu comme un modèle de vertu à suivre et rien d’autres, ça serait déjà un bon début vers la fin des guerres de religion et ôterait grandement de leur force de manipulation des gens (puisqu’il n’y a pas à craindre de châtiments)
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Épicure traite ensuite de la mort, qui n’est pas non plus à craindre, car elle nous est étrangère. Lorsqu’on est en vie, elle ne nous concerne pas, lorsqu'elle nous concerne, nous ne sommes plus vivants, donc pas de crainte à avoir. La mort, et ce qu’il peut se passer ou non après, n’est plus un sujet métaphysique, il n’y a plus à débattre. La mort et l’après ayant disparu de nos vies, on peut se concentrer sur celles-ci, et les vivre pleinement, intelligemment et prudemment. Prenons en mains notre vie dès maintenant, sans se soucier de la mort, de l’au-delà, de ce que pensent les dieux (qui rappelons-le, s’en foutent qu’on trompe son mari ou sa femme) et de ce qu’ils pourraient nous faire (rappelons-le aussi, ils ne nous ferons rien, ni en mal ni en bien), faisons-nous plaisir maintenant.

 

Pour ce qui est du plaisir dans la philosophie épicurienne :

L'éthique d'Épicure est un hédonisme qui se fonde sur la thèse selon laquelle « le plaisir est le principe et la fin de la vie heureuse ».
Par « plaisir », Épicure entend essentiellement les plaisirs corporels, ceux de la chair, du ventre. Mais il ne s'agit pas pour autant de plaisirs grossiers ou vulgaires, de débauche, ni de plaisirs « en mouvement » (c’est-à-dire éphémères, qui ne durent que le temps de leur satisfaction), qu'il faut sans cesse satisfaire. Bien au contraire, lorsque rien ne manque au corps, qu'il possède tout ce qui lui est nécessaire, il peut jouir d'un plaisir stable, en repos, durable.
Aussi faut-il viser à l'absence de troubles en nous, à l'ataraxie qui, seule, nous donne la paix de l'âme en supprimant les craintes et l'agitation des désirs, en se subordonnant à cette seule fin véritablement estimable qu'est le plaisir ataraxique. La recherche du plaisir comme « absence de douleur » ne doit donc pas être entendue négativement, comme quelque chose que l'on retranche à ce qui est, mais positivement, comme ce qui traduit un équilibre corporel qui nous fait vivre en harmonie avec nous mêmes aussi bien qu'avec la nature.
Nous pouvons donc atteindre le bonheur, mais à condition de ne pas rechercher n'importe quels plaisirs et de nous livrer à un calcul permettant de prendre en compte seulement ceux qui nous rendent véritablement heureux. Pour cela, il faut distinguer les plaisirs qui sont naturels et nécessaires, comme manger ou boire, de ceux qui, pour être naturels, n'en sont pas pour autant nécessaires, comme manger une nourriture raffinée, ou trop manger ou trop boire, et dont les conséquences amènent le déséquilibre du corps, et donc la douleur. Quant aux plaisirs qui ne sont ni naturels, ni nécessaires, comme la recherche du pouvoir, des honneurs, ou des richesses, ils proviennent de l'ignorance, de l'opinion creuse et ne peuvent amener aucune vie stable et équilibrée. Exit donc la course à la croissance, à la surconsommation, à la recherche de la satisfaction des besoins factices créés par la publicité toutes les cinq minutes. Exit aussi le besoin de pouvoir, de richesse, de domination, d’exploitation qui causent plus de troubles qu’ils n’apportent de plaisir.
Seule la première sorte de plaisirs, ceux qui sont naturels et nécessaires, doit être recherchée : c'est dire que la vie heureuse doit se fonder sur la modération des plaisirs, la recherche du juste milieu, tout excès entraînant invariablement en nous des déséquilibres. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut toujours chercher à satisfaire nos désirs, ni qu'il faut fuir toutes les douleurs et toutes les souffrances ; c'est en essayant au contraire d'en surmonter certaines, grâce à l'intervention de la raison et de la volonté qui donnent leur adhésion ou non à telle ou telle inclination, que l'on peut éprouver aussi un plaisir qui n'en a alors que plus de valeur.
La douleur pouvant être surmontée, puisqu'elle est imputable principalement à notre manque de discernement, à notre mauvais jugement dû à notre ignorance des choses, la vie heureuse est possible grâce à la réalisation des plaisirs que l'on choisit.

Libéré des craintes et des superstitions, n'ayant que peu de besoins (« Ainsi, nous considérons l'autosuffisance comme un grand bien : non pour satisfaire à une obsession gratuite de frugalité, mais pour que le minimum, au cas où la profusion ferait défaut, nous satisfasse. »), vivant à l'écart de la société, le sage épicurien peut prétendre mener une vie paisible et tranquille, être heureux au milieu des tempêtes qui agitent le monde.

 

J’aime Épicure et sa philosophie de l’autosuffisance, que l’on a besoin de peu pour être heureux, qu’on peut y prétendre dès à présent, car ni des puissances divines (en admettant qu’elles existent), ni la mort ne peuvent assombrir nos vies (par contre, et bien qu’Épicure ne le dise pas, un état capitaliste répressif policier y arrive très bien...).

 

Lettre à Ménécée (lettre sur le bonheur)

 

« Bonjour.

Même jeune, on ne doit pas hésiter à philosopher. Ni, même au seuil de la vieillesse, se fatiguer de l'exercice philosophique. Il n'est jamais trop tôt, qui que l'on soit, ni trop tard pour l'assainissement de l'âme. Tel, qui dit que l'heure de philosopher n'est pas venue ou qu'elle est déjà passée, ressemble à qui dirait que pour le bonheur, l'heure n'est pas venue ou qu'elle n'est plus. Sont donc appelés à philosopher le jeune comme le vieux. Le second pour que, vieillissant, il reste jeune en biens par esprit de gratitude à l'égard du passé. Le premier pour que jeune, il soit aussi un ancien par son sang-froid à l'égard de l'avenir. En définitive, on doit donc se préoccuper de ce qui crée le bonheur, s'il est vrai qu'avec lui nous possédons tout, et que sans lui nous faisons tout pour l'obtenir.


Ces conceptions, dont je t'ai constamment entretenu, garde-les en tête. Ne les perds pas de vue quand tu agis, en connaissant clairement qu'elles sont les principes de base du bien vivre.


D'abord, tenant le dieu pour un vivant immortel et bienheureux, selon la notion du dieu communément pressentie, ne lui attribue rien d'étranger à son immortalité ni rien d'incompatible avec sa béatitude. Crédite-le, en revanche, de tout ce qui est susceptible de lui conserver, avec l'immortalité, cette béatitude. Car les dieux existent : évidente est la connaissance que nous avons d'eux. Mais tels que la foule les imagine communément, ils n'existent pas : les gens ne prennent pas garde à la cohérence de ce qu'ils imaginent. N'est pas impie qui refuse des dieux populaires, mais qui, sur les dieux, projette les superstitions populaires. Les explications des gens à propos des dieux ne sont pas des notions établies à travers nos sens, mais des suppositions sans fondement. De là l'idée que les plus grands dommages sont amenés par les dieux ainsi que les bienfaits. En fait, c'est en totale affinité avec ses propres vertus que l'on accueille ceux qui sont semblables à soi-même, considérant comme étranger tout ce qui n'est pas tel que soi.


Accoutume-toi à penser que pour nous la mort n'est rien, puisque tout bien et tout mal résident dans la sensation, et que la mort est l'éradication de nos sensations. Dès lors, la juste prise de conscience que la mort ne nous est rien autorise à jouir du caractère mortel de la vie : non pas en lui conférant une durée infinie, mais en l'amputant du désir d'immortalité.


Il s'ensuit qu'il n'y a rien d'effrayant dans le fait de vivre, pour qui est authentiquement conscient qu'il n'existe rien d'effrayant non plus dans le fait de ne pas vivre. Stupide est donc celui qui dit avoir peur de la mort non parce qu'il souffrira en mourant, mais parce qu'il souffre à l'idée qu'elle approche. Ce dont l'existence ne gêne point, c'est vraiment pour rien qu'on souffre de l'attendre ! Le plus effrayant des maux, la mort ne nous est rien, disais-je : quand nous sommes, la mort n'est pas là, et quand la mort est là, c'est nous qui ne sommes plus ! Elle ne concerne donc ni les vivants ni les trépassés, étant donné que pour les uns, elle n'est point, et que les autres ne sont plus. Beaucoup de gens pourtant fuient la mort, soit en tant que plus grands des malheurs, soit en tant que point final des choses de la vie.


Le sage, lui ne craint pas le fait de n'être pas en vie : vivre ne lui convulse pas l'estomac, sans qu'il estime être mauvais de ne pas vivre. De même qu'il ne choisit jamais la nourriture la plus plantureuse, mais la plus goûteuse, ainsi n'est-ce point le temps le plus long, mais le plus fruité qu'il butine ? Celui qui incite d'un côté le jeune à bien vivre, de l'autre le vieillard à bien mourir est un niais, non tant parce que la vie a de l'agrément, mais surtout parce que bien vivre et bien mourir constituent un seul et même exercice. Plus stupide encore celui qui dit beau de n'être pas né, ou sitôt né, de franchir les portes de l'Hadès.


S'il est persuadé de ce qu'il dit, que ne quitte-t-il la vie sur-le-champ ? Il en a l'immédiate possibilité, pour peu qu'il le veuille vraiment. S'il veut seulement jouer les provocateurs, sa désinvolture en la matière est déplacée.


Souvenons-nous d'ailleurs que l'avenir, ni ne nous appartient, ni ne nous échappe absolument, afin de ne pas tout à fait l'attendre comme devant exister, et de n'en point désespérer comme devant certainement ne pas exister.


Il est également à considérer que certains d'entre les désirs sont naturels, d'autres vains, et que si certains des désirs naturels sont nécessaires, d'autres ne sont seulement que naturels. Parmi les désirs nécessaires, certains sont nécessaires au bonheur, d'autres à la tranquillité durable du corps, d'autres à la vie même. Or, une réflexion irréprochable à ce propos sait rapporter tout choix et tout rejet à la santé du corps et à la sérénité de l'âme, puisque tel est le but de la vie bienheureuse. C'est sous son influence que nous faisons toute chose, dans la perspective d'éviter la souffrance et l'angoisse. Quand une bonne fois cette influence a établi sur nous son empire, toute tempête de l'âme se dissipe, le vivant n'ayant plus à courir comme après l'objet d'un manque, ni à rechercher cet autre par quoi le bien, de l'âme et du corps serait comblé. C'est alors que nous avons besoin de plaisir : quand le plaisir nous torture par sa non-présence. Autrement, nous ne sommes plus sous la dépendance du plaisir.


Voilà pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et le but de la vie bienheureuse. C'est lui que nous avons reconnu comme bien premier et congénital. C'est de lui que nous recevons le signal de tout choix et rejet. C'est à lui que nous aboutissons comme règle, en jugeant tout bien d'après son impact sur notre sensibilité.


Justement parce qu'il est le bien premier et né avec notre nature, nous ne bondissons pas sur n'importe quel plaisir : il existe beaucoup de plaisirs auxquels nous ne nous arrêtons pas, lorsqu'ils impliquent pour nous une avalanche de difficultés. Nous considérons bien des douleurs comme préférables à des plaisirs, dès lors qu'un plaisir pour nous plus grand doit suivre des souffrances longtemps endurées. Ainsi tout plaisir, par nature, a le bien pour intime parent, sans pour autant devoir être cueilli. Symétriquement, toute espèce de douleur est un mal, sans que toutes les douleurs soient à fuir obligatoirement. C'est à travers la confrontation et l'analyse des avantages et désavantages qu'il convient de se décider à ce propos. A certains moments, nous réagissons au bien selon les cas comme à un mal, ou inversement au mal comme à un bien.


Ainsi, nous considérons l'autosuffisance comme un grand bien : non pour satisfaire à une obsession gratuite de frugalité, mais pour que le minimum, au cas où la profusion ferait défaut, nous satisfasse. Car nous sommes intimement convaincus qu'on trouve d'autant plus d'agréments à l'abondance qu'on y est moins attaché, et que si tout ce qui est naturel est plutôt facile à se procurer, ne l'est pas tout ce qui est vain. Les nourritures savoureusement simples vous régalent aussi bien qu'un ordinaire fastueux, sitôt éradiquée toute la douleur du manque : pain et eau dispensent un plaisir extrême, dès lors qu'en manque on les porte à sa bouche. L'accoutumance à des régimes simples et sans faste est un facteur de santé, pousse l'être humain au dynamisme dans les activités nécessaires à la vie, nous rend plus aptes à apprécier, à l'occasion, les repas luxueux et, face au sort, nous immunise contre l'inquiétude.


Quand nous parlons du plaisir comme d'un but essentiel, nous ne parlons pas des plaisirs du noceur irrécupérable ou de celui qui a la jouissance pour résidence permanente - comme se l'imaginent certaines personnes peu au courant et réticentes à nos propos, ou victimes d'une fausse interprétation - mais d'en arriver au stade où l'on ne souffre pas du corps et ou l'on n'est pas perturbé de l'âme. Car ni les beuveries, ni les festins continuels, ni les jeunes garçons ou les femmes dont on jouit, ni la délectation des poissons et de tout ce que peut porter une table fastueuse ne sont à la source de la vie heureuse : c'est ce qui fait la différence avec le raisonnement sobre, lucide, recherchant minutieusement les motifs sur lesquels fonder tout choix et tout rejet, et chassant les croyances à la faveur desquelles la plus grande confusion s'empare de l'âme.


Au principe de tout cela, comme plus grand bien : la prudence. Or donc, la prudence, d'où sont issues toutes les autres vertus, se révèle en définitive plus précieuse que la philosophie : elle nous enseigne qu'on ne saurait vivre agréablement sans prudence, sans honnêteté et sans justice, ni avec ces trois vertus vivre sans plaisir. Les vertus en effet participent de la même nature que vivre avec plaisir, et vivre avec plaisir en est indissociable.


D'après toi, quel homme surpasse en force celui qui sur les dieux nourrit des convictions conformes à leurs lois ? Qui face à la mort est désormais sans crainte ? Qui a percé à jour le but de la nature, en discernant à la fois comme il est aisé d'obtenir et d'atteindre le « summum » des biens, et comme celui des maux est bref en durée ou en intensité ; s'amusant de ce que certains mettent en scène comme la maîtresse de tous les événements - les uns advenant certes par nécessité, mais d'autres par hasard, d'autres encore par notre initiative -, parce qu'il voit bien que la nécessité n'a de comptes à rendre à personne, que le hasard est versatile, mais que ce qui vient par notre initiative est sans maître, et que c'est chose naturelle si le blâme et son contraire la suivent de près (en ce sens, mieux vaudrait consentir à souscrire au mythe concernant les dieux, que de s'asservir aux lois du destin des physiciens naturalistes : la première option laisse entrevoir un espoir, par des prières, de fléchir les dieux en les honorant, tandis que l'autre affiche une nécessité inflexible). Qui témoigne, disais-je, de plus de force que l'homme qui ne prend le hasard ni pour un dieu, comme le fait la masse des gens (un dieu ne fait rien de désordonné), ni pour une cause fluctuante (il ne présume pas que le bien ou le mal, artisans de la vie bienheureuse, sont distribués aux hommes par le hasard, mais pense que, pourtant, c'est le hasard qui nourrit les principes de grands biens ou de grands maux) ; l'homme convaincu qu'il est meilleur d'être dépourvu de chance particulière tout en raisonnant bien que d'être chanceux en déraisonnant ; l'idéal étant évidemment, en ce qui concerne nos actions, que ce qu'on a jugé bien soit entériné par le hasard.


À ces questions, et à toutes celles qui s'y rattachent, réfléchis jour et nuit pour toi - même et pour qui est semblable à toi, et jamais tu ne seras troublé ni dans la veille ni dans tes rêves, mais tu vivras comme un dieu parmi les humains. Car il n'a rien de commun avec un animal mortel, l'homme vivant parmi des biens immortels. »

Fushichô

19 janvier 2009



Lettre à Ménécée (Épicure)
 
© 2010 Fushichô